Le sport : de sa diffusion globale à ses pratiques locales
A l’heure de la
mondialisation, les Sciences Humaines ne cessent de s’interroger sur les
conséquences de l’interpénétration de certaines cultures locales avec des
cultures globales. Certains auteurs comme Marshall McLuhan (1967) ou Roland
Robertson (1992) plus récemment, ont le sentiment que le monde est devenu, pour
le premier, un vaste « village-monde » ou, pour le second, une seule
et même localité. Pour d’autres chercheurs, comme Arjun Appadurai (2005), nous
assistons à l’émergence de productions locales qui, s’inspirant du global, font
apparaître des créations culturelles nouvelles. C’est dans ce contexte
d’ailleurs que le concept de « glocalité » (Meyrowitz, 1991) prend
tout son sens.
Depuis les années 1990, de
nombreuses études démontrent que le sport n’échappe pas à ce processus de
globalisation, mais qu’il fait au contraire partie intégrante de ce phénomène
international. Ce colloque sera donc l’occasion de nous intéresser de près aux
relations étroites qui existent entre le sport et les diverses manifestations
de la globalisation décrites précédemment. Si les premières manifestations
sportives peuvent être observées du côté de l’Angleterre au 18ème siècle
(Elias et Dunning, 1986), le phénomène « sport », selon Joseph Maguire
(1999), semble sans limites à l’heure actuelle tant il s’est diffusé
massivement sur la planète. Sur le terrain en tant qu’acteurs, dans le stade en
tant que supporters ou devant leur télévision en tant que téléspectateurs, les
individus, aux quatre coins du monde, contribuent
à leur manière à ce phénomène. Les influences du sport sur les cultures locales
et les identités sont justement de plus en plus fortes et de nombreux groupes
humains participent finalement à ce processus de globalisation du sport ;
certains se plient aux cultures sportives globales et d’autres au contraire les
réinterprètent et les modifient au niveau local.
En définitive, analyser les
pratiques et cultures sportives d’aujourd'hui est une entreprise qui pose
question et qui place au centre de son questionnement les effets de la
globalisation : Comment envisager les pratiques et les cultures sportives
actuelles dans ce contexte de globalisation ? En 2012, quels sont les
enjeux de la globalisation sur le monde
du sport ? Qui fait le jeu de la globalisation du sport ? Allons-nous
vers une uniformisation des cultures sportives ou vers des formes de protestation,
voire de contre-acculturation ? Bref, ce colloque tentera de répondre à
ces interrogations et sera donc l’occasion de présenter des travaux empiriques
comme des réflexions plus théoriques sur la globalisation du sport en général.
Afin
d’orienter les intervenants dans leur communication, ce colloque pourra
éventuellement s’articuler autour de
trois principaux axes de recherche :
1) Les modes de
transfert et de diffusion des pratiques et cultures sportives
Le premier axe s’attardera sur la
circulation et les modes de transfert des pratiques et cultures sportives à
travers le monde. Les approches disciplinaires pourront être variées, bien que
les versants historiques et anthropologiques y trouvent sûrement une place de
choix. Analyser les modes de transfert culturel s’avère en effet pertinent dans
la mesure où, en 2012, les possibilités d’échanges entre les peuples, notamment
grâce aux Technologies de l’Information et de Communication, se sont
considérablement développées depuis ces vingt dernières années et ont agi sur
les cultures et les identités du monde entier (Ollivier, 2007). Ainsi, la
place des médias dans la globalisation ou non de certaines disciplines
sportives pourra être questionnée. En effet, à l’heure actuelle il semble
indispensable de nous interroger sur les différents vecteurs de la diffusion et
des transferts des cultures sportives. La puissance médiatique que détiennent
certaines ligues professionnelles (la NBA par exemple) est-elle encore à ce
jour l’outil majeur de la globalisation sportive et suffit-elle à imposer ces
normes et ces valeurs à des cultures sportives plus locales ? Ou bien, d’autres
facteurs peuvent-ils être déterminants dans la globalisation du sport ?
Si cet axe a pour but d’expliquer le
processus de globalisation du sport, il
sera tout aussi intéressant d’analyser les échecs rencontrés par certaines
disciplines sportives dans leur ascension planétaire. Le Japon et l’Argentine,
selon Sébastien Darbon (2008), n’ont pas été colonisés au sens strict du terme
mais ont pourtant connu une forme plus indirecte d’imposition culturelle (le
premier pays jouant au baseball et le second aux soccer, rugby et polo). Pour
autant, le baseball si bien implanté au Japon n’a pas traversé l’Atlantique
pour poser ses valises en France comme l’a fait le basketball. Quelles sont
donc les raisons de cet échec ? Les causes politiques et culturelles
sont-elles les seules explications de ce dysfonctionnement interculturel ?
2) Vers une
uniformisation des pratiques et cultures sportives… ?
Après nous être intéressés aux modes
de transferts dans les pratiques et cultures sportives, nous nous arrêterons
plus en détails, au cours des axes 2 et 3, au rapport étroit qui existe entre
le local et le global dans le monde du sport. Autrement dit, il sera possible, à travers des expériences de terrain par
exemple, de travailler sur quelques pistes de réflexion que peuvent être les
effets de la globalisation sur les manières de jouer, de penser le sport, tant
au niveau de son organisation que de sa diffusion, de l’évolution de ses règles
et de son spectacle par exemple.
L’intérêt de ce deuxième axe
pourrait être, par exemple, de se pencher de près sur les capacités qu’ont les
cultures globales à uniformiser les pratiques et les cultures sportives dans
leur ensemble. Daniel S. Mason (1995) remarquait, il y a presque vingt ans, que
les systèmes tactiques des équipes de football s’homogénéisaient de plus en
plus. Aujourd'hui, les discours sur l’un des effets de la globalisation, à
savoir l’uniformisation, sont-ils encore de vigueur ? En d’autres termes,
les cultures sportives locales se ressemblent-elles de plus en plus, laissant
apparaître des cultures sportives globalisées ? La globalisation du sport
signifie-t-elle nécessairement une
homogénéisation des pratiques et cultures sportives ?
3) … Ou de nouvelles
créations locales ?
Si l’uniformisation est un des résultats
des processus de globalisation culturelle, la réinterprétation au niveau local,
voire aussi le refus de s’intégrer à un « système-monde »
(Wallerstein, 2006), sont aussi des conséquences observables de la
relation étroite qui se noue entre global et local. Pour ainsi dire, cet axe 3
fera l’objet d’une étude approfondie des formes de réinterprétation culturelle
et aussi de rejet que nous pouvons observer chez différentes cultures sportives
au niveau local et régional.
Dans un premier temps, nous pourrons
nous concentrer davantage sur les manières qu’ont différentes pratiques
sportives à s’acclimater au global. Comment une culture sportive globalisée
est-elle interprétée et manipulée par des acteurs locaux ? Comment les
cultures locales se réapproprient-elles des cultures sportives globales et pour
quelles utilisations ?
L’axe
3 permettra ainsi de s’interroger sur les manières qu’ont les individus de s’emparer
des pratiques sportives en circulation dans le monde et de voir comment ils
créent, à partir d’une culture globale, une nouvelle culture sportive faisant
sens dans leur propre localité.
La
création culturelle représentera un point fort de cet axe 3. Il s’agira en
effet, à travers entre autres des expériences de terrain ou par le biais
d’approches aussi bien sociologiques, anthropologiques qu’historiques, de
démontrer que la globalisation n’est pas qu’homogénéisation mais qu’elle
encourage aussi la production de nouvelles cultures sportives. De
nouvelles créations sportives qui recontextualisent au niveau local des formes culturelles
sportives en circulation à travers le monde. A ce titre, nous pouvons prendre
pour exemple l’indigénisation du Cricket qu’Arjun Appadurai (2005) met en avant
dans ses travaux sur la globalisation.
Ce troisième axe pourra aussi faire
l’objet d’une réflexion plus poussée sur les formes de rejet de cultures
globales par des cultures sportives locales. Refusant certaines cultures
dominantes, ces cultures locales participent-elles ou non finalement à une
forme de contre-acculturation dans un premier temps et à un renforcement des
pratiques sportives régionales dans un second temps ? Quelles sont donc
les causes de ces rejets et comment se traduisent-ils ?
Enfin ce dernier axe permettra
également de s'étendre jusqu'aux problématiques qui concernent le développement
durable. En effet, le développement durable interroge le rapport culturel des
pratiques sportives face à l'axe global/local. On s'intéressera au devenir de
ces mêmes pratiques face à l'homogénéisation du sport en lien avec les
injonctions à apporter une solution à la consommation sportive face à
l'environnement, aux matériels et aux aspects tant social qu'économique qui en
découlent.
Ce
colloque organisé par le GEPECS (Groupe d'Étude pour l’Europe de la Culture et
de la Solidarité) aura lieu le 21 et 22 juin 2012 dans l'amphithéâtre de
l’UFR STAPS, 1 rue Lacretelle, Paris 15ème.
Une
publication prévue dans le cadre de la Collection Local & Global (dirigée par Rouet G. et Soulages F.) aux
éditions L’Harmattan – Paris, France – réunira les meilleures contributions à ce
colloque.
Pour
soumettre une proposition, envoyez un résumé de 2500 signes à l’adresse mail
ci-dessous pour le 21 mai au plus tard :